J'aimerais vous partager quelques phrases issues de livres sur l'autisme que j'ai lu. Et dans lesquelles je me reconnais. Ou simplement parce que c'est tellement bien dit, bien décrit. Je tiens à remercier ces auteurs/autrices pour ces mots qui me font du bien, qui me réconfortent et en même temps me font souffrir, qui donnent une parole à des sentiments que je n'aurais pas pu mieux décrire. Et j'espère qu'ils/elles ne m'en voudront pas de partager ces extraits avec les gens qui liront ce blog.
1. Asperger et fière de l'être (écrit par Alexandra Reynaud)
- On ne souffre pas à proprement parler d’être Asperger. Ca ne fait pas mal! Le corps n’est pas endolori, tout fonctionne normalement. Mais on peut immensément souffrir de l’ignorance, de l’intolérance, du regard condescendant et des remarques des autres. C’est ça, qui heurte en permanence.
- Lorsque l’on ne sait pas que l’on est autiste Asperger, on voit bien que les autres autour de nous ne partagent pas cet impératif de se retirer du monde, de retrouver leurs marques. Pourquoi est-on si crevé, physiquement et moralement? La seule lecture possible alors est que le problème vienne de nous. Et puis on l’a si souvent entendu : on exagère, quand même si jeune et sans cesse fatigué… ce ne peut être que du cinéma! On culpabilise par conséquent et l’on se force à ne pas s’écouter, ce qui intensifie la soif de retraite tout en usant la personne. Redoutable cercle vicieux. On trouve ainsi des aspies qui, passée la quarantaine, sont à bout de forces. Leur santé n’arrive plus à les porter, cet épuisement les empêche de compenser aussi bien qu’ils l’avaient fait jusqu’à ce jour. Cela finit en tragique burn-out.
- j’ai eu un développement lent, sans crise d’adolescence. J’ai mis bien plus de temps à franchir certains stades afférents à l’acquisition de l’autonomie ; tout était fastidieux chez moi. J’étais d’une notable candeur malgré ma vivacité intellectuelle, avec très peu d’esprit pratique et une répugnance indéfinissable pour tout ce qui était d’ordre manuel, créatif avec les mains.
-De toutes manières, on est tous un peu autiste!
je ne supporte plus cette phrase indécente, car on ne l’est pas. Ou pas comme les personnes autistes le sont, elles, constamment, violemment et sans pouvoir s’en départir, sans avoir de pause possible ni d’issue de secours quand elles n’en peuvent plus et sont victimes d’un effondrement (le fameux “meltdown” décrit par la littérature anglophone).
2. Dans ta bulle (écrit par Julie Dachez)
- A 31 ans, je m’habille encore comme une ado. Jean, pull, baskets, les cheveux attachés avec un élastique, pas maquillée, je passe inaperçu. C’est très bien comme ça, je n’ai jamais aimé qu’on me porte trop d’attention.
- Il ne faut toutefois pas s’imaginer qu’être autiste invisible est une sinécure. Une recherche démontre que 60% des adultes Asperger ont déjà envisagé de se suicider… Parce que nous vivons dans un monde qui n’est pas adapté à nos particularités, nous rencontrons énormément de difficultés au quotidien et bénéficions rarement d’un accompagnement. Par ailleurs, on se retrouve souvent le cul entre deux chaises. Trop autiste pour être neurotypique et trop normal pour être autiste.
- Ils ne se rendent pas compte des efforts fournis par la personne, de la fatigue et de l’anxiété que ce masque social génère. Elle n’est pas adaptée, elle a l’air adaptée.
- Car une personne autiste fonctionne différemment. Socialiser l’épuise, elle galère à comprendre l’ironie, le double sens, le second degré, elle est hypersensible aux bruits, aux odeurs, à la lumière. Que cela ne se voie pas ne change absolument rien à la réalité de sa situation.
- Ainsi, à de très rares exceptions près, cette vision de l’autisme comme déficience, que l’on doit à la psychiatrie, prédomine aujourd’hui encore dans les médias, la culture populaire et la recherche. Le symbole de la pièce de puzzle qui est associée à l’autisme est d’ailleurs une métaphore lourde de sens, puisqu’elle traduit bien l’idée d’une incomplétude qui peut et doit être comblée.
- Le coming out est selon moi une étape essentielle pour reconquérir une estime de soi abîmée par des années de faire-semblant. Revendiquer son identité, c’est se débarrasser d’un sentiment d’infériorité, intériorisé depuis toujours. C’est aussi passer de l’ombre à la lumière, se rendre visible, se réapproprier un espace de parole, et du même coup faire avancer la cause de l’autisme.
- Je pleure mes angoisses, mes échecs, mes coups de déprime, mes doutes. Je pleure les injustices à répétition, les humiliations, les agressions, les insultes. Je pleure les traumas qui ont jalonné notre passé et les dérives eugénistes qui menacent notre avenir. Je pleure pour tous mes camarades enfermés en hôpital psychiatrique. Pour tous ceux qui ont préféré une mort digne à une vie indécente. Et je continuerai à mettre cette douleur au service de notre lutte commune. Pour que ces larmes deviennent un jour des larmes de joie.
3. L'autisme expliqué par un autiste (écrit par Thibaud Moulas)
- Il a également distingué dans leur atypisme une opposition entre deux stéréotypes sociaux. Par exemple les autistes ont parfois un grand potentiel intellectuel, mais ils sont très naïfs ; à certains moments ils sont immatures mais à la fois pragmatiques ; souvent maladroits mais très protocolaires ; extravertis et paradoxalement solitaires ; sensibles à l’art mais insensible à son auteur.
4. Bienvenue dans mon monde. Moi, Paul, autiste Asperger (écrit par Paul El Kharrat)
- A minima, je sais que j’aurai toujours pour compagne cette fatigue qui m’englue depuis toujours. Je ne dors pas, je suis fatigué ; je dors trop, je suis fatigué ; je vais dehors, je suis fatigué. Même les choses que j’aime faire, comme aller au cinéma ou au musée, je dois souvent y renoncer parce que je suis fatigué. Personne ne comprend que je le sois à 23 ans. C’est un état constant, en réalité. J’arrive à donner le change parce que je fais des efforts tout le temps, des efforts incommensurables que les gens ne voient pas. J’aimerais qu’ils prennent conscience de la dose d’énergie qu’un Asperger doit déployer pour essayer de se conformer à ce qu’on attend de lui, pour ne pas être déconsidéré. Elle est inimaginable, et pourtant bien réelle.
5. L'autisme est mon super pouvoir (écrit par Lali Dugelay)
- Naturellement souriante, et dans une perpétuelle imitation sociale, quand quelqu’un me sourit, je lui réponds par un sourire. Ce que je crois être une politesse élémentaire semblerait pouvoir être interprété par certains ignobles individus comme une invit à la séduction, domaine qui me dépasse totalement.
- Je revêts le déguisement social qui me semble le mieux convenir à la situation, à toute vitesse, comme ces individus de fiction qui en un claquement de doigts passent d’une personnalité quelconque au statut de super-héros. Voilà, je suis la super-héroïne de mon propre quotidien, au prix d’un épuisement lié à la force de concentration que me demandent chaque pensée et chaque acte.
- L’autisme, c’est passer par l’alternance de phases d’énergie intense et d’épuisement. A quoi cela tient-il? La personne autiste ne sait pas quelles sont ses limites physiques et morales/intellectuelles. Elle (se) donne à fond, toujours plus fort, avec l’objectif de l’excellence coûte que coûte… ce qui peut finir par lui coûter, justement.
Car c’est ennuyeux de ne pas interpréter, avant l’effondrement, les signaux qui devraient l’alerter et l’inciter à ralentir le rythme. L’effondrement peut aussi être consécutif à une situation imprévue, dont les conséquences anodines pour un neurotypique peuvent représenter une violente implosion dans un cerveau atypique.
-Faire face aux difficultés avec courage? Plus facile à dire qu’à faire. C’est pourtant la première étape pour être en phase avec soi-même. L’acceptation de son propre handicap, quel qu’il soit, me semble nécessaire pour le faire accepter aux autres. Quand on montre qu’on ne rougit pas de son handicap invisible ou visible, qu’on n’en a pas honte, qu’on explique tout simplement en quoi il consiste et quels sont nos freins et nos souffrances morales et/ou physiques, l’esprit est libéré d’un fardeau qui permet de mieux se concentrer sur toutes les difficultés du quotidien, petites ou gigantesques que nous avons à affronter. Faites-vous du bien, soyez vous-même.
6. La fille pas sympa (écrit par Julia March)
- A mes yeux, je suis tout le temps en danger, où que j'aille. Il n'y a pas de refuge, pas de répit, quand on est autiste Asperger.
- On dit souvent que l'autisme est un handicap "invisible" ; il l'est car, depuis notre enfance, nous nous efforçons de nous fondre dans la masse, mais il y a toujours des moments maudits où notre différence devient visible, agaçante et motif d'exclusion - mais pour de mauvaises raisons. En de telles occasions où j'étais poussée à bout, je me sentais vulnérable et exposée, ne pouvant m'empêcher de redouter les répercussions de cette visibilité soudaine.
- Aux yeux des autres, j'avais l'air "trop normale" pour être autiste.
- L'hypersensibilité, les surcharges sensorielles, les gros efforts de compensation : pas étonnant que j'ai été si épuisée jusqu'à ne plus pouvoir supporter la vie pendant toutes ces années. Mes crises de mutisme prenaient sens, ma rigidité et mon besoin de routines aussi: tour s'emboîtait si parfaitement! Un nouveau sentiment s'insinua en moi : non, je n'étais pas la seule, je ne l'avais jamais été.
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